Le crime est un sujet fascinant mais complexe, qui suscite forcément un certain nombre de réflexions. Depuis de nombreuses années déjà, les criminologues et les acteurs de la justice sont à la recherche de moyens pour prévenir et combattre la criminalité, notamment en essayant de cerner les raisons qui expliquent pourquoi certaines personnes en viennent à commettre des actes criminels. L’une des recherches qui est très souvent abordée est le lien qui pourrait exister entre la victimisation et le passage à l’acte. Il a été suggéré que certains criminels qui ont été victimes de violence, de négligence ou d’abus dans leur passé, pourraient basculer plus assurément que les autres dans la criminalité. Mais est-ce vraiment le cas ? Nous allons examiner les différentes recherches criminologiques menées sur ce sujet afin de mieux comprendre si tout criminel a forcément été victime dans son passé.

 

La victimisation et le crime : un lien de causalité ?

Depuis longtemps, les recherches caractérisent le lien de causalité entre la victimisation et le crime. Certaines d’entre elles affirment que les jeunes qui ont été victimes de violence ou de négligence dans leur enfance ont plus de risques de commettre des actes criminels une fois adultes. Les chercheurs traduisent ces expériences de victimisation à travers un impact négatif que cela va avoir sur le développement émotionnel et mental de l’enfant, ce qui pourrait entraîner des problèmes de comportements et de gestion de la colère.

Toutefois, la relation entre la victimisation et le crime n’est pas aussi simple. D’autres recherches ont montré que cette victimisation n’était pas forcément la cause directe du crime, mais plutôt un facteur de risque parmi tant d’autres. Il faut notamment prendre en compte qu’il existe des raisons différentes qui peuvent amener quelqu’un à commettre des crimes sans toutefois avoir été victime de maltraitance durant son passé :

  • des problèmes de santé mentale, comme un trouble de la personnalité antisociale
  • l’utilisation abusive de substances psychoactives, comme des drogues ou de l’alcool
  • des traumas psychologiques, autres que les maltraitances, par exemple un deuil précoce ou un abandon
  • certains troubles de l’apprentissage qui peuvent altérer la capacité à respecter les normes sociales
  • une déficience intellectuelle qui affecte la compréhension des conséquences du passage à l’acte
  • l’isolement social qui peut parfois amener l’individu à se rapprocher de mauvaises fréquentations 
  • l’absence d’opportunités économiques qui peut pousser des gens à recourir à la criminalité pour subvenir à leurs besoins

Il y a beaucoup de controverse dans l’idée que chaque criminel a été victime de quelque chose dans son passé. Certains pensent que malgré cela, ils doivent être punis pour leurs méfaits. D’autres indiqueront qu’ils ont été victimes de circonstances indépendantes de leur volonté et qu’il faut prendre cela en compte au moment de leur jugement.

La défense qui tend à dire que chaque criminel a été une victime dans le passé n’est pas une explication facile à saisir. Cependant, regarder la vie d’un tueur à travers le prisme de la victimisation peut nous aider à comprendre comment certains actes violents se produisent et quel type de conséquences en attendre.

 

Le rôle de l’environnement et de l’éducation

Nous l’avons vu, le passage à l’acte criminel peut être influencé par de nombreux facteurs. L’environnement dans lequel un individu grandit et l’éducation qu’il reçoit peuvent également avoir un impact sur les choix qu’il va faire et sur ses actions ultérieures.

Un jeune qui évolue dans un environnement où la violence est considérée comme un comportement normal et acceptable, peut se voir impliqué lui aussi dans la criminalité.

Concernant l’éducation, il s’agit d’un facteur clé dans la vie et l’évolution d’un enfant. Il est important de lui enseigner l’apprentissage des émotions, de penser de manière critique, de prendre des décisions éthiques et morales tout en lui donnant le sens des responsabilités de ses actes. La famille doit être en mesure d’enseigner à ses enfants la notion du bien et du mal tout en lui offrant un espace sûr qui lui permet de se sentir en sécurité. Mais une éducation défectueuse, enracinée dans un manque de soins et d’affection, dans la négligence ou la maltraitance, pourrait dans certains cas, mener vers la délinquance, et possiblement vers le crime.

Toutefois, même si un mauvais cadre environnemental et éducatif peut augmenter le risque de comportement criminel chez un jeune qui subit des actes violents ou qui vit dans un contexte défavorisé, notez bien que cela est loin d’être systématique ! De nombreuses personnes qui ont évolué dans des familles dysfonctionnelles et cruelles, font le choix de ne pas reproduire le même schéma. De même que des personnes ayant grandi dans la pauvreté, ne se tournent pas forcément vers le crime pour s’en sortir.

Au-delà des abus et de la précarité, nous avons aussi des femmes et des hommes qui viennent de familles riches et qui ont reçu une excellente éducation, qui commettent des crimes !

Cela montre que la relation entre la victimisation et le comportement criminel est complexe et qu’il y a de nombreux autres facteurs à prendre en compte, avec la particularité de chaque individu.

Présenter les criminels comme des victimes peut être une erreur, notamment au niveau judiciaire. Penser qu’il ne faut pas blâmer le criminel pour ses crimes en transposant la faute sur un passif lointain n’est pas non plus la solution car, la plupart du temps, les tueurs sont responsables de leurs actes et ils doivent en assumer les conséquences.

Personne ne vient au monde avec l’intention de tuer. Alors peut-être ne faut-il pas considérer les criminels comme des victimes, mais plutôt comme des individus qui ont fait de mauvais choix dans leur vie ? Le débat reste ouvert…

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Sources :
  • AGNEW R., 2005, Juvenile delinquency : Causes and control, Los Angeles, CA, Roxbury.
  • APEL R., KAUKINEN C., 2008, The relationship between family structure and antisocial behavior : Understanding cohabiting and blended families, Criminology, 46, 1, 35-70. Lien
  • EITLE D.J., TURNER R.J., 2002, Exposure to community violence and youg adult crime : The effects of witnessing violence, traumatic victimization, and other stressful life events, Journal of Research in Crime and Delinquency, 39, 2, 214-237. Lien
  • JAQUIER V., VUILLE J., 2008, Les femmes : jamais criminelles, toujours victimes ?, Grolley, Suisse, L’Hèbe.

 

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