Des formations sur le « profilage » ont été mises à la disposition du personnel de sécurité dans les aéroports internationaux. L’objectif ? Repérer les comportements suspects et détecter les mensonges. Certaines méthodes de dépistage ont été enseignées aux agents de la sécurité. Reste à déterminer quelles sont les techniques qui s’avèrent être les plus efficaces…

 

L’innovation et ses limites

Le comportement humain est complexe… je le répète souvent dans mes articles. Il n’est pas rare d’accuser à tort un innocent et tout aussi fréquent d’innocenter un coupable. Ainsi vous l’avez compris, détecter le vrai du faux est loin d’être aussi simple, même si différentes méthodes d’apprentissage essayent de nous y aider ! Mais pour faire simple, il n’existe aucune « recette » qui soit fiable à 100%. Pour autant, cela ne signifie pas qu’il faut se détourner de certaines techniques d’observation.

Renforcer la sécurité dans la rue, les magasins ou les transports, est devenu vital ! Prenons l’exemple de l’un de ces aéroports américains, en Arizona. Une fois le passeport identifié, un robot interroge les voyageurs via un écran interposé. Il pose des questions apparemment anodines : « Vivez-vous toujours à cette adresse ? », « Est-ce votre premier voyage aux États-Unis ? »… Pendant que les personnes répondent aux interrogations du robot, les expressions de leurs visages sont scrutées et analysées par la machine.

Le système est équipé d’une caméra pour filmer les voyageurs qui répondent aux questions, vidéo qui permet au logiciel d’analyser les émotions du visage, les gestes, les mouvements des yeux et l’intonation de la voix. Une fois l’ensemble compilé, chaque réponse est analysée selon 3 catégories de risque de mensonge (vert, jaune ou rouge), le rouge indiquant un risque de dissimulation. Ainsi, lorsque l’expression faciale semble douteuse et que le geste est incohérent car non conforme aux généralités, le voyageur se retrouve dans une autre pièce où il va devoir répondre à un interrogatoire beaucoup plus poussé. Cette fois, ce sont les agents de la sécurité qui prennent le relais.

Il s’agit ici du système Avatar qui aurait obtenu un taux de réussite de 94% dans la détection de la tromperie, selon ses créateurs.

Mais qu’en est-il de la détection humaine ? Les statistiques semblent s’écrouler lorsque l’œil humain cherche a détecter des signaux de nervosité, d’agitation et de mensonge. Cette méthode de dépistage des indices suspects est pourtant largement utilisée dans les aéroports internationaux.

En effet, ce n’est pas le non verbal qui permettrait de cerner au mieux une éventuelle tromperie.  Les agents de la sécurité disent avoir de bien meilleurs résultats lorsqu’il s’agit d’interroger les voyageurs, car ce serait dans le verbal que le mensonge se repérerait de façon plus sûre.

Il n’y a rien d’étonnant à cela. Rappelons que le langage non verbal est là pour souligner nos mots et notre état émotionnel, pas pour faire rejaillir nos dissimulations. La gestuelle peut faire ressortir l’inconfort lié à une situation, révéler un état émotionnel négatif, actionner des dissonances éventuelles entre le verbal et le non verbal, mais gardons clairement à l’esprit qu’il n’existe pas de gestes exprimant le mensonge.

 

Observer ou discuter ?

Les résultats de détection de la tromperie seraient donc supérieurs via un interrogatoire. Certaines méthodes sont utilisées, comme par exemple la technique CCE, qui consiste à établir une discussion toute simple avec les passagers. Les professionnels de la sécurité engagent donc une conversation informelle avec les voyageurs, notamment sur leur destination, et peu importe si les agents de la sécurité connaissent ou non les vraies réponses. Puis, ils évaluent la cohérence de ce qui est relaté, tout en relevant les différents indices verbaux issus de questions qui doivent être simples et courtes.

Les tests passés par ces professionnels, où ils ont dû observer et discuter avec des vrais et des faux passagers (en réalité des participants rémunérés qui avaient bien préparé leurs mensonges), révèlent l’évaluation suivante : les aéroports valident le fait que la détection de la tromperie est meilleure dans un cadre de « face-à-face conversationnel » que dans l’observation du comportement général des voyageurs.

Il en va de même pour la méthode du Behavior Detection and Analysis qui consiste à observer des comportements suspects en se basant sur une liste qui contient une centaine de critères physiques et comportementaux. L’ensemble des éléments vise à repérer de potentiels terroristes à travers des attitudes nerveuses, des conduites craintives et des détournements d’attention. Par exemple, cette liste fait état d’allure rigide, de signaux de stress, d’une observation assidue de l’environnement, d’un regard qui reste figé, ou encore d’une barbe récemment rasée. L’âge joue également un rôle dans cette grille d’évaluation : les hommes et femmes de plus de 65 ans apparaissent moins suspects, tous comme les couples mariés de plus de 55 ans…

Si le score se révèle trop élevé, les affaires du passager sont inspectées encore plus en détail, et le langage non verbal de celui-ci est attentivement observé.

Mais cette technique est également très controversée. Selon des acteurs de la sécurité américaine, cette méthode ne serait pas suffisamment convaincante pour identifier des personnalités à risque et demeure surtout discriminatoire, avec des indicateurs trop subjectifs. N’oublions pas non plus que son coût colossal nécessite un sérieux investissement financier en la matière.

Bien que les critères de cette liste soient en constante évolution afin de « renforcer » le dispositif, il a malgré tout été demandé au Congrès de suspendre le financement du Behavior Detection and Analysis.

Mais en France, nous utilisons aussi ces systèmes de détection comportementale par vidéosurveillance, notamment dans les gares. Ces logiciels étudient notre température corporelle à travers des caméras infrarouges, repèrent les expressions faciales liées à la colère, les réactions de stress, en passant par notre démarche, nos postures ou encore les mouvements de nos yeux. Là aussi, certains éléments combinés ensemble, pourraient laisser supposer un comportement suspect. Mais d’une personne à l’autre, cela reste variable et une allure équivoque peut en réalité cacher une problématique externe n’ayant rien à avoir avec un projet délictuel ou meurtrier.

Pour conclure, l’efficacité de ces méthodes réside dans le fait de ne jamais perdre de vue que les gens diffèrent les uns des autres et qu’il faut rester humble dans son analyse d’autrui. Les messages issus de l’enseignement ont aussi une importance capitale : il n’est pas rare que soit vendu comme acquis tel ou tel comportement, alors que l’humain est loin d’être aussi basique.

De plus, il est normal mais aussi essentiel d’observer le comportement des autres. D’ailleurs, cela ne devrait pas s’arrêter qu’aux professionnels de la sécurité ; les citoyens devraient eux aussi porter de l’attention à ce qui les entourent. L’observation silencieuse est une bonne chose, si nous savons ce qu’il faut regarder et comment le rechercher. L’analyse du non verbal nécessite aussi de faire le tri entre ce qui est vrai et faux, car il y a beaucoup d’idées reçues sur le sujet.

Il en va de même pour la détection du mensonge : certaines croyances trop bien ancrées et qui sont loin d’être réalistes, peuvent brouiller un interrogatoire quel qu’il soit ! D’un individu à l’autre, chacun ment à sa façon. Il faut donc faire très attention de ne pas affecter un signe qui semble « particulier » comme étant un indice de mensonge. Ce sera davantage un changement de comportement qui nous mettra sur la voie d’un malaise lié, ou non, à la question posée. Cela nécessite donc d’observer le comportement de base des personnes qui nous entourent.

Vous l’avez compris, le comportement humain est certes complexe… mais pas infaillible.

SB.

Infographie SB 1

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Crédits photos © « Arrivées » | Andrew Peat – Freepik.com

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