– « Les pulsions nous mènent là où il y a des enfants, là on pourra avoir un rôle protecteur, amical et éducatif pour eux… » – Adrien, 32 ans

Lorsque les citoyens découvrent les affaires de pédophilie traitées dans les médias, ils ont souvent cette inquiétude qui s’exprime par : « Encore un qui travaille auprès des enfants !!! »

Les pédophiles ont besoin de cette proximité avec leurs victimes, d’évoluer dans un contexte «juvénile» ou bien auprès d’un jeune pour lequel ils éprouvent une attirance. En cela, les enfants sont partout : dans la rue, les parcs de jeux, les centres aérés, les écoles, etc… Les prédateurs choisissent-ils réellement des institutions qui les rapprochent des enfants ? Leurs activités prédatrices en sont-elles décuplées ? Abordons ce thème tabou afin de mieux cerner cette problématique sociétale.

Pourquoi les organisations officielles ?

Tout d’abord, il est impératif de cesser de nier l’existence des pédophiles, que ce soit dans la société ou au sein des institutions. Ce déni est une des bases du problème. Le déni est fatal aux victimes actuelles et celles à venir et s’avère dangereux pour tous les autres protagonistes : familles, organismes et agresseurs… Nier, c’est refuser d’admettre ! Ne pas admettre, c’est ne pas parler et donc passer sous silence ce que l’on sait ou ce que l’on voit ! Ainsi ce silence absolu permet à l’auteur des faits de récidiver comme bon lui semble…

Dès lors, toute infrastructure officielle ou non, peut permettre aux prédateurs :

  1. d’exploiter des victimes potentielles
  2. de recevoir une rémunération si ces derniers sont embauchés dans une structure professionnelle

Outre la proximité avec les enfants, évoluer dans des institutions apporte une légitimité au fait de se mouvoir au milieu des jeunes. D’autre part, cela « facilite » le contact et permet au prédateur de prendre son temps pour tisser un lien avec sa future proie. A partir de là, il a accès à des détails personnels, plus difficiles à obtenir autrement.

Notons également que les signalements sont loin d’être automatiques. Lors de la conférence auprès des professionnels de l’enfance sur le thème de la pédophilie et de l’attitude à adopter avec la victime et l’auteur, nous recevons des témoignages éloquents sur le sujet. Sur des faits de pédophilie, ou suspicions de faits, certaines hiérarchies n’effectueraient pas de signalements. Elles laisseraient ainsi l’individu circuler librement au milieu des enfants, ou bien, se contentent de le transférer ailleurs ou de le congédier.

 

Les prédateurs des institutions religieuses

Ces derniers temps, les médias font état de nombreux cas de pédophilie au sein de l’Église. Là aussi des opportunités facilitent la mise en relation avec les victimes potentielles. Tenir un rôle au sein d’un cercle religieux permet d’avoir accès à des informations familiales et donc de mieux cibler les enfants. Ces informations sont des sources exploitables pour un pédophile qui peut éventuellement s’en servir pour manipuler la victime ou encore, lui faire du chantage…

Au sein du clergé, comme dans d’autres organisations, le signalement n’est pas forcément actionné lorsqu’une maltraitance sexuelle sur mineur est relayée… Il n’est pas inhabituel que l’acte en lui-même soit « jugé » en interne. Plusieurs cas de figures en découlent :

  • soit l’auteur des fait est « muté » ailleurs
  • ou, très rarement, l’individu est destitué de sa fonction

Dans le cadre de la confession, si un prêtre vient à révéler ses penchants pédophiles, le secret est gardé par son confesseur. Pour qu’une éventuelle action soit menée, il faut que cette confidence soit faite en dehors de la confession. La rédemption est également à prendre en compte : lors d’une telle révélation, la demande de pardon est généralement accordée sans qu’aucune autre démarche ne soit actionnée. Dans de tels cas, les enfants ne sont pas mis à l’abri du prédateur…

Soulignons également que plus le pédophile à un rang important dans l’organisation (religieuse ou non), plus sont pouvoir et son autorité jouent en sa faveur. Au cas où la victime parle, l’auteur des faits se défendra en impliquant son statut qui le rend sensible aux ennemis potentiels ou encore, évoquera la jalousie ressentie vis-à-vis du prestige de son poste, etc… Bref, la victime c’est lui et personne d’autre. Et son éloquence l’amène bien souvent à tirer parti de la situation car beaucoup de gens lui accordent le bénéfice du doute. Mais aussi, l’institution en elle-même ne souhaite pas avoir de mauvaise publicité. C’est pour cela que le silence est étourdissant autour de certaines affaires, certains préférant ne pas ébruiter les actes de leurs employés ou collaborateurs.

Rappelons toutefois que bien souvent l’enfant ne parle pas, car maintenu dans un engrenage sordide et écrasant. Le prédateur sait imposer le secret sur ses passages à l’acte…

Ainsi, comprenons bien que ce n’est pas l’institution en elle-même qui pose problème, mais les individus qui infiltrent ces organisations afin d’assouvir leurs crimes (sexuels, financiers…)

En revanche, toute institution doit se sensibiliser sur les mécanismes des pédophiles et sur le repérage des symptômes victimologiques. N’oublions pas que c’est cette connaissance du sujet qui permettra de mieux lutter et donc de mieux protéger les enfants face aux prédateurs.

Notons également que les Évêques de France ont mis en place un mail à destination des victimes de pédophilie au sein de l’Église : paroledevictimes@cef.fr

Un début qui doit continuer à évoluer vers la parole des victimes et l’action, à la place de l’inaction, dans ce type d’affaire…

SB.

Dossier Comment repérer l'abus sexuel

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Crédits photos © Prawny – https://pixabay.com

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One response

  1. Bonjour. Oui, le confesseur est tenu au secret, mais il peut ( et doit ) refuser l absolution si le coupable ( tout coupable ) ne s engage pas à prendre les moyens ( tous les moyens ) de ne pas récidiver.
    La confession ne donne pas droit à l absolution. Parmi ces moyens, se dénoncer pour être soigné peut être une obligation, suspensive de l absolution. L affaire se complique si le cas est connu ( aussi ) hors confession. Surtout le droit canon fait obligation à la hiérarchie de communiquer au parquet les faits connus  » sans attendre  » la décision canonique. ( faits connus hors confession ) Dans les faits, ni à Paris , ni à Lyon l autorité n a communiqué au parquet les faits connus ( preynat , Labaky )

    Il est absurde et même cruel qu’une autorité invite une victime à porter plainte, alors que c’est son rôle de signaler ces faits : “ sans attendre “ Benoit XVI.

    Le point central est le caractère “ étanche “ entre le for interne ( la confession ) et le for externe ( une procédure publique ) Le secret du for interne est absolu : il s’étend à tout ce qu ‘un confesseur peut apprendre, même de manière floue. Mieux, le for interne ( le secret de la confession ) s’applique encore entre le confesseur et le pénitent une fois la confession terminée :le confesseur ne peut y revenir qu’avec l’accord formel du pénitent. Dans le cas des absolutions réservées au pape, le confesseur demandera la permission d’ouvrir l’enveloppe de réponse au pénitent ( pour préparer les dispositions ) Et puis, la traduction du latin n’est peut être pas immédiate. Cette réponse doit être détruite après usage. Secret total !

    L’aveu des fautes ne donne pas droit à l’absolution sans avoir pris les moyens d’éviter la récidive. Par exemple, un maitre de chorale qui cherche plus ou moins consciemment des proies parmi les enfants doit quitter entièrement ce qui est pour lui une “ occasion prochaine et volontaire du péché “

    Bien à vous. EL ( ancien procureur de droit canonique )

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